Laboratoire pédagogique du Greta du Velay

Laboratoire pédagogique du Greta du Velay

Un outil utilisé en illettrisme pour s’approprier ses acquis : l’atelier de récit d’apprentissage

Temps de lecture estimé à 10 min. 30 sec.

La région Centre a financé une recherche-action dans le but de développer des pratiques de formations innovantes dans le domaine de l’illettrisme. Un atelier « récit d’apprentissage » a servi de support à une étude de 32 pages. Le récit d’apprentissage peut porter par exemple sur le fait d’apprendre à faire du vélo ou d’apprendre à dessiner.

Voici quelques commentaires des stagiaires :

  • « Revenir sur son passé, c’est bien ». « On ne fait jamais ça ».
  • « c’est bien car il faut que je parle avec les autres. Je ne connais personne ; Ça me permet de parler de tout. J’aimerais améliorer ça ».

Synthèse de l’étude

L’illettrisme : quelques précisions Dans la définition de l’ANLCI (2003), l’illettrisme concerne « des personnes de plus de 16 ans qui bien qu’ayant été scolarisées , ne parviennent pas à lire et comprendre un texte portant sur des situations de leur vie quotidienne, et ou ne parviennent pas à écrire pour transmettre des informations simples.(...) Malgré ces déficits, les personnes en situation d’illettrisme ont acquis de l’expérience, une culture et un capital de compétences en ne s’appuyant pas ou peu sur la capacité à lire et à écrire. Certains ont pu ainsi s’intégrer à la vie sociale et professionnelle, mais l’équilibre reste fragile ». Les causes de l’illettrisme peuvent être d’ordre social, familial ou fonctionnel.

Principes pédagogiques

  • Faire vivre des expériences significatives à des jeunes adultes afin qu’au travers de ces expériences, ils puissent se reconnaître des capacités, des savoirs et des compétences qui leur permettront ensuite de se projeter dans l’avenir et de définir une stratégie personnelle d’intégration sociale et professionnelle. L’action proposée apporte une reconnaissance sociale. Le rôle du formateur sera d’accompagner les jeunes plutôt que de leur transmettre des savoirs.
  • Prendre un temps pour revenir sur le vécu, verbaliser l’expérience, l’analyser et la capitaliser.
  • Nommer et reconnaître les acquis afin de produire un savoir sur soi et un savoir pour soi à partir de domaines très variés : socialisation, apprentissage de base, résolution de difficultés de vie, citoyenneté...

La démarche donne une place prépondérante à l’expérience du stagiaire lui permettant :

  • de travailler sur son projet personnel,
  • de prendre conscience de la singularité et de la valeur spécifique de son expérience. Il s’agît de donner à l’apprenant une position de sujet dans le discours de l’autre. L’apprenant est détenteur d’un savoir particulier sur lui-même et sur son environnement.

Regards de l’équipe sur cette expérience

  • Cette formation a permis à certains stagiaires de passer d’une position passive, plaintive et fataliste à une position active et à une réflexion sur cette action. L’apprenant est sujet de sa formation et non objet d’un dispositif de formation où la personne n’existe que pour nourrir le système.
  • Regarder sa vie et tenter de se l’approprier, d’en comprendre certaines étapes sont des démarches qui demandent beaucoup d’énergie aux stagiaires. Le fait de demander aux stagiaires d’écrire sur des grandes feuilles et d’utiliser des feutres a constitué, réflexion faite, une difficulté supplémentaire. Il est important de ne pas formuler trop de consignes pour qu’elles soient comprises.
  • Les stagiaires ont eu à faire référence à leur passé et à leur présent en allant de l’un à l’autre, ce qui n’est pas toujours simple pour eux.
  • Sur le choix des consignes, il avait été convenu que les stagiaires auraient à proposer les leurs mais cela fût difficile à mettre en œuvre. Les formateurs avaient préparé six consignes comme solution de repli et prévu que seule la première serait systématiquement donnée. Les stagiaires ont semblé en apparence comprendre le vocabulaire choisi mais il y a eu de fréquentes confusions. Dans le terme « expérience », les stagiaires n’ont vu que le sens d’expérience professionnelle.
  • Les principales consignes choisies au départ étaient trop abstraites : o Qu’est-ce qu’on a voulu que j’apprenne et que j’ai appris ? o Dire 2 ou 3 choses que j’ai apprises et qui me semblent importantes o 2 Choses que j’ai décidé d’apprendre et qui me semblent importantes Après expérimentation, voici de nouvelles formulations : o Qu’avez-vous appris, que vous ne saviez pas ? et qui vous semble important. o Vous avez certainement vécu... (cette formulation comme un début d’histoire permet de mieux situer le temps)
  • Le choix d’éviter de donner des exemples risquant d’induire ou d’enfermer les stagiaires sera maintenu autant que faire se peut.
  • Le formateur doit être à l’affût du moindre indice pour aider le stagiaire à repérer et à comprendre son histoire. Il doit rester neutre et ne rien induire ou le moins possible.

Quelques commentaires à propos de cette recherche-action

L’équipe témoigne d’une honnêteté intellectuelle qui lui permet de se remettre en question et de parler librement de ses erreurs, ce qui est le meilleur moyen de progresser. Cette humilité est féconde. Elle permet d’enraciner la profondeur éducative. Le mot humilité provient d’ailleurs du terme humus qui signifie terre.

Dans le but de faire vivre des expériences significatives permettant de se reconnaître des capacités et de construire un projet d’intégration sociale et professionnelle, je suggérerais quelques pistes.

  • Cette recherche s’appuie d’abord sur ce que l’apprenant a vécu avant le début du stage. Il arrive que le rapport au passé soit tellement douloureux que le simple fait d’y faire référence occasionne un blocage. Il pourrait être envisagé que l’apprenant parte à l’extérieur du groupe rencontrer quelqu’un qui lui apprenne une recette de cuisine par exemple et qu’il transmette ensuite son savoir aux membres du groupe. De cette façon, l’apprenant passerait en position de formateur, ce qui est très valorisant et dynamisant pour lui. Ce principe peut s’appliquer à des domaines très variés : Jardinage, petits bricolages, petites astuces de la vie quotidienne...
  • Il pourrait être intéressant de recenser en groupe des choses que les participants ne savent pas faire et qui les gênent dans leur vie quotidienne. Le formateur pourrait alors faire le lien et proposer à certaines personnes de partir à l’extérieur, quitte à être accompagné d’un formateur, pour acquérir ces savoirs et venir les transmettre au groupe.
  • Le postulat selon lequel un formateur doit rester neutre et ne rien induire (ou le moins possible) s’inspire directement des techniques classiques d’entretien sociologique ou d’étude de marché. Une autre conception défendue notamment par le sociologue Jean-Paul Kaufmann préconise au contraire de s’engager dans la relation comme si l’on marchait côte à côte sur un sentier de montagne. Il ne s’agit pas de cultiver la confusion des rôles mais plutôt de se situer dans un partage réciproque, ce qui ne veut pas dire que le formateur étale toute sa vie privée. Se retrouver en position de faiblesse devant un formateur qui « sait tout » n’est pas très stimulant pour quelqu’un qui a une mauvaise estime de lui. L’enseignement de l’histoire dans les manuels scolaires ne rend pas forcément compte de la recherche historique. Pourtant la recherche de document sur le terrain relève d’ un aspect beaucoup plus dynamique où de nombreux mystères subsistent. Le travail sur son histoire et sur le développement de ses propres richesses est infini. Le formateur qui ose montrer à ses stagiaires qu’il a des limites qu’il assume et qu’il cherche à progresser suscite une dynamique bien différente du rapport traditionnel entre celui qui sait et celui qui ne sait pas. Comme il est dit très justement dans cette étude : « Le travail de restauration de l’image de soi risque de transformer autant le formateur que l’apprenant ». La question de la neutralité du formateur revêt donc de multiples aspects. Il s’agît de se situer à sa juste place en tant que formateur pour que le stagiaire puisse trouver pleinement la sienne. Un équilibre est constamment à construire entre le soucis d’une distance respectueuse et la dynamique du « vivre avec » reposant sur le partage d’un vécu commun.

Synthèse des fiches pour les formateurs présentés sur le site d’alfa centre

Objectifs

  • Prendre conscience, repérer, mesurer, s’approprier ce que l’on sait et de quelle manière on l’a appris.
  • Comprendre qui je suis, pour savoir ou je vais, et ce que je peux devenir. Certains ont envie d’apprendre par rapport à un métier, une formation. Le récit d’apprentissage nous permettra de comprendre comment les gens apprennent. Il faut aider les stagiaires à prendre conscience :
  • que plein de choses ne dépendent pas d’eux, mais qu’aujourd’hui à un moment donné, ils peuvent influer sur ce qui leur arrive.
  • qu’ils ont été acteur voulu ou non (d’apprentissage) alors qu’ils pensaient ne pas l’être.
  • qu’ils peuvent décider, faire des choix, qu’ils ne sont pas exclus, qu’ils ont quelque chose à dire.

Contenu

La première consigne est toujours donné par le formateur. Elle est identique quelque soit les groupes : « Quels sont les métiers des personnes qui m’entouraient quand j’étais petit ? ». Il est fait le choix :

  • de ne pas parler d’arbre généalogique (complexité du terme, lien avec la famille qui peut être une entrave ou une blessure pour une partie des stagiaires),
  • de laisser aux stagiaires la liberté du choix des personnes qu’ils souhaitent évoquer,.
  • d’expliquer oralement aux stagiaires qu’il peut s’agir de métier, de travail, d’activité professionnelle,
  • de ne pas définir la tranche d’âge considérée par l’expression « j’étais petit », mais de laisser aux stagiaires le soin de décider individuellement,
  • de laisser le terme de « personnes » de façon à ce que les stagiaires n’aient pas l’obligation de situer leur famille s’ils ne le souhaitent pas. Les consignes des ateliers suivants ne sont pas ordonnées. Les formateurs laisseront la priorité à celles émanant des stagiaires. Ils auront à faire émerger ces consignes dès le 2nd atelier. Si nécessaire, les formateurs pourront proposer les consignes suivantes :
    • Quels sont les lieux, villes, endroits, pays, communes, maisons où j’ai appris quelque chose ?
    • Qu’est ce qu’on a voulu que j’apprenne et que j’ai appris ?
    • Qu’est ce qu’on a voulu que j’apprenne et que je regrette d’avoir appris ?
    • Deux choses que j’ai apprises et qui me semblent importantes.
    • Deux choses que j’ai décidé d’apprendre et qui me semblent importantes.
    • Qu’est ce que j’ai fait de ce que mes parents voulaient faire de moi ?
    • Arbre des métiers des personnes qui m’entouraient quand j’étais petit. 1 métier, 1 personne. Transcription Les stagiaires auront entière liberté pour choisir leur mode ou support de transcription. Ils peuvent écrire, représenter, symboliser, dessiner. Les formateurs pourront donner des exemples de transcription possible pour que les stagiaires ne se sentent pas obligés de faire des phrases. Oralisation Chacun dit ce qu’il veut exprimer de ce qu’il a écrit, ou transcrit. Les autres stagiaires ont une écoute attentive sans poser de questions, ni faire de remarques. Le formateur transcrit exactement ce que chaque personne exprime et donne la transcription au stagiaire. Le formateur ne note que ce que les personnes disent et non les questions posées. Le formateur lit, en fin de séance, la transcription qu’il a écrite aux personnes qui ne peuvent pas relire. Les stagiaires posent des questions et échangent. Par rapport aux questions posées, on peut demander à la personne de réécrire ce qui émerge, ce qui est « sorti » et auquel elle n’avait pas pensé. Durée des séances · La durée d’un atelier est de 5 séquences. Chaque séquence est d’une ½ journée : La 1ère séquence inclut le contrat :
      • Elaboration du contrat
      • Pause
      • 1ère consigne
      • Transcription (30 minutes de travail environ)
      • Restitution
      • Intercaler des pauses. 4 autres séquences suivent sur le même mode de fonctionnement sauf le contrat à raison d’une séquence par semaine.

Pour plus d’informations : http://www.alfacentre.org/publi_doc...