Laboratoire pédagogique du Greta du Velay

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Le Web Social et la population immigrée

Temps de lecture estimé à 8 min.

D’après un travail de Roc Fages, consultant en innovation et stratégie à Infonomía pour la municipalité de Manresa, partenaire du Greta du Velay dans le projet Grundtvig M2M.

Le terme « réseau social » est lié aux outils utilisés dans le Web 2.0, les blogs et les sites internet tels que Facebook, MySpace et Twitter. Les utilisateurs emploient ces outils pour participer à des réseaux sociaux centrés sur des intérêts spécifiques qui tendent à renforcer leur groupe ou à les aider à atteindre certains objectifs d'amélioration de leur relations à d'autres groupes, ou à des organisations publiques ou privées.

Par conséquent, les outils sociaux offrent maintenant aux différents groupes d'immigrants, et à tous les organismes privés ou publics avec lesquels ils interagissent, une excellente occasion d'aider ces immigrants à s'intégrer dans leur nouveau pays de résidence.

Il existe plusieurs exemples d'outils sociaux utilisés par et pour les groupes d'immigrants. Toutefois, avant d'explorer des cas représentatifs, nous pouvons d'abord examiner le Web 2.0 et les réseaux sociaux. Le terme « social » du Web peut être utilisé pour décrire le résultat final d'outils Web 2.0 qui créent des réseaux sociaux. En effet, la maxime « Les marchés sont des conversations », initialement inventée par les auteurs du «  Cluetrain Manifesto »pour le secteur économique, a depuis été appliquée à la mise en réseau sociale. Dans ce livre, publié dans les années 1990, les auteurs ont alerté les entreprises sur le fait qu'une fois que l'utilisation d'Internet sera généralisée, ils devront surveiller la façon dont les gens échangent des informations afin de déterminer directement les besoins des consommateurs potentiels. Considérant que les outils disponibles à ce moment (par exemple les forums et les listes de distribution) ont généré des conversations en parallèle à celles déjà décelées par les entreprises et administrations publiques, la capacité actuelle des utilisateurs à générer et à échanger du contenu à un coût nul (par exemple à travers des sites comme Facebook, MySpace et Twitter), a élargi ces conversations et les a segmenté de façon exponentielle.

L'état d'esprit 2.0

Le Web 2.0 fournit la possibilité d'innombrables conversations dans les réseaux sociaux. Cependant, ces réseaux sociaux ne se développent que lorsque leurs utilisateurs adoptent un état d'esprit « Web 2.0 ». Cet état d'esprit implique une participation active au réseau, en contribuant et en échangeant des connaissances et son expérience avec les autres membres. Une fois que la majorité des participants se rendent compte que leurs contributions individuelles portent leurs fruits en générant des bénéfices collectifs, cette attitude commence à s'étendre aux autres membres.

Avant le Web 2.0, cette mentalité était plus diffuse au sein des réseaux existants, car il était plus difficile pour chaque membre de participer et de reconnaître les avantages de leurs efforts respectifs. Il s'agissait de travailler comme avant mais à plus grande échelle (participer à des réunions, faire des photocopies de documents écrits, envoyer du courrier à chaque membre du réseau, etc.). Le Web 2.0 a mis fin à tout cela. Tous les membres d'un réseau peuvent désormais participer activement à des degrés divers et récolter le fruit de leur travail.

Les groupes d'immigrants et le Web social

Comme mentionné précédemment, le Web social peut être utilisé pour renforcer l'identité d'une communauté et favoriser ses relations avec d'autres communautés ainsi que les organismes publics ou privés. Par conséquent, les groupes d'immigrés peuvent théoriquement bénéficier de ces interactions. De même, les administrations publiques, notamment au niveau local, peuvent exploiter ces outils dans une stratégie visant à améliorer leurs services aux immigrants et à faciliter leur intégration dans leur nouveau pays de résidence.

Les quelques cas décrits ci-après, bien que n'étant pas directement liés au Web social, sont néanmoins intéressants.

En Belgique un projet appelé Limosa, aide les nouveaux résidents à remplir les formulaires administratifs. C’est un site unique pour les travailleurs immigrés, les entreprises et les organismes publics afin de coordonner le travail administratif nécessaire pour les contrats des travailleurs étrangers ou pour normaliser leur situation d'emploi.

En Finlande, le site Infopankki fournit toutes les informations dont les immigrants ont besoin (par exemple permis, le logement, l'éducation, les soins de santé et les services sociaux) en quinze langues.

A un niveau plus restreint, en Catalogne, la mairie d’Ulldecona, réalisant l'importance de la communauté locale roumaine, offre maintenant son site Web en langue roumaine. Il prévoit également l'anglais et le français.

Plus proche d'un réseau réel, la municipalité anglaise de Norfolk fournit un service en ligne pour permettre aux nouveaux résidents d’échanger des informations et d’obtenir des informations de base. Le site web est disponible en anglais, polonais et portugais, entre autres langues.

Madrid propose un site Web, SAI, qui est orienté vers les élèves du primaire et du secondaire. Le site a été conçu pour leur faire découvrir la langue espagnole en ligne, sans avoir à assister à des cours de langue officiels. Il comprend des fonctions interactives avec des méthodes conçues pour des apprenants de nationalités différentes, avec des exercices et d’autres activités, disponibles en téléchargement.

Un exemple intéressant du secteur privé est celui de Comunidades CAF, une association de communautés autofinancées (CAF, en espagnol). Cette association a pour but de créer des groupes de 10 à 40 personnes qui partagent des ressources afin de s’octroyer mutuellement des prêts non garantis pour permettre aux membres  de faire face à des dépenses imprévues ou d’acquérir des biens nécessaires. Chaque groupe établit ses propres conditions de crédit et détermine la façon dont les profits tirés de ces prêts seront dépensés. Il y a actuellement 23 CAF, comprenant 411 membres. Les sponsors de Comunidades CAF comprennent la Fundación Un Sol Món et la caisse d'épargne Caixa Catalunya.

En termes d'utilisation réelle du web social, les initiatives du secteur public ne sont pas très nombreuses. En Hollande, il existe divers services en ligne utilisant les outils Web 2.0 qui visent à renforcer les groupes d'immigrants. Par exemple le site http://www.maghreb.nl vise à intégrer les jeunes Marocains vivant en Hollande dans la société néerlandaise, comme le reflète le fait qu'il est écrit en néerlandais. Les membres peuvent accéder aux informations sur la culture et les loisirs, envoyer des messages, télécharger des images ou des vidéos, ou discuter de  différents thèmes, le tout en néerlandais. Il existe des initiatives similaires pour les étudiants marocains (http://www.marokko.nl) et turcs (http://www.turksestudent.nl), qui sont tous deux également en néerlandais.

En Espagne, les initiatives du Web social pour les groupes d'immigrés sont aussi principalement basés dans le secteur privé et, dans certains cas, ont été menées par les immigrants eux-mêmes. Un exemple est Workea, un service en ligne gratuit qui agit comme intermédiaire entre les immigrants et les entreprises. Les entreprises peuvent y publier leurs offres d'emploi et les immigrants peuvent importer leur CV. Un autre exemple est Comunidad Inmigrante, considérée comme la première communauté en ligne pour les immigrés en Espagne. À l'origine, ses principales fonctions étaient de fournir des informations et des services juridiques aux membres. Elle a ensuite cherché à intégrer le travail des organisations qui participent à l’intégration des populations immigrées en Espagne. Actuellement, les membres utilisent le site pour partager des informations et expériences et créer des liens les uns avec les autres. Grâce à des forums, ils peuvent afficher leurs opinions et leurs photos, vidéos et musique. Ils peuvent également créer leur blog. On peut également citer d’autres sites d’information Extranjeros sin Papeles et Para Inmigrantes.

En explorant les communautés créées par les utilisateurs sur des sites de réseautage social tels que Facebook, nous nous sommes intéressés plus particulièrement aux groupes d'immigrants de nationalités dont la langue n’est pas l’espagnol, tels que les Marocains. Il a été effectivement beaucoup d'activité dans ce domaine. Il faut noter tout particulièrement le groupe « Sabes que eres estudiante marroquí en España cuando... », qui compte 361 membres, et Estudiantes Marroquíes en España (), qui compte 81 membres. En utilisant Facebook, les membres partagent l'information et promeuvent des activités. Un autre groupe d'étudiants marocains, L’« Associació d'estudiants Marroquís a Barcelona » (AEMB), est un site à accès restreint. Pour adhérer, vous devez être invité par un des membres et être déjà un utilisateur de Facebook. Enfin, le groupe « Marroc a Catalunya », qui compte 197 membres, est intéressant. Son succès dans la réalisation de l'intégration se reflète dans le fait qu'il rassemble une quantité égale de Marocains et de Catalans.

Les groupes Facebook décrits ci-dessus ne représentent qu'une brève introduction au potentiel des outils sociaux du Web pour aider les immigrants à s’intégrer dans leur nouveau pays. Ces exemples montrent comment ils utilisent tous les moyens de communication disponibles, afin de renforcer leur identité collective. Par conséquent, étant donné qu’il est pratiquement sûr que ces personnes sont des utilisateurs potentiels des outils du Web social pour l'intégration, les administrations publiques ne devraient pas uniquement les aider à établir des liens les uns avec les autres, mais devrait aussi aider à se familiariser avec leur nouveau pays de résidence. Cela demande d’écouter leurs conversations, et de converser avec eux en utilisant des outils du Web social.