Laboratoire pédagogique du Greta du Velay

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L’accessibilité de la ville aux personnes handicapées : une lutte quotidienne

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La vie dans la Cité, dans la Grande Ville : on y construit et on se construit. On y trouve du travail, on y fonde le foyer, on apprend. Cette vie-là, donc, il n’est jamais facile d’y accéder. C’est toute la vie qu’on doit s’y battre. Regardez cette jeune maman qui tente de diriger sa poussette avec difficultés, sillonnant entre les voitures garées sur le trottoir et les marches qui donnent accès au métro. Et ce jeune homme, qui se déplace en vélo parce que c’est plus économique, ne peut pas rouler sur le trottoir - ce n’est pas permis - ni sur la route - c’est trop dangereux. Ces handicaps temporaires disparaissent lorsque nous arrivons à destination. Bien sûr, on les retrouvera le lendemain ou le soir, mais c’est juste désagréable sur le moment. Imaginez maintenant que ce handicap est constant. Ce monsieur qui marche devant moi est sourd : il a failli se faire renverser par une voiture qui n’a pas pris garde, après son virage, qu’un feu lui demandait de s’arrêter. Cette dame aveugle demande de l’aide : sous ses pieds, une grille dans laquelle sa canne blanche s’est coincée, elle ne s’attendait pas à ce que la route devienne grille. Cet homme en fauteuil roulant électrique va tous les jours au travail en passant par la route quand les trottoirs ne sont pas rabaissés.

Quelles perspectives ?

Consciente que, malgré la progression des aides à l’insertion professionnelles de l’AGEFIPH (Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées) et de la COTOREP (Commission technique d’orientation et de reclassement professionnel), le plus gros problème actuel des personnes handicapées restait l’accessibilité, l’Assemblée Nationale a voté, le 15 juin 2004, un nouvel article dans le projet de loi adopté n° 307 (consultable sur le site de l’Assemblée Nationale ici), l’article 24 bis : « Dans les communes de 5 000 habitants et plus, il est créé une commission communale pour l’accessibilité aux personnes handicapées composée notamment des représentants de la commune, de l’Etat, d’associations d’usagers et d’associations représentant les personnes handicapées. Cette commission dresse le constat de l’état d’accessibilité du cadre bâti existant, de la voirie, des espaces publics et des transports. Elle établit un rapport annuel présenté au conseil municipal et fait toutes propositions utiles de nature à améliorer la mise en accessibilité de l’existant. » La ville bouge ! Un autre projet de loi, plus récent, datant de janvier 2004, nous apprenait qu’en six ans, toutes les grandes villes permettraient « à toutes les personnes handicapées motrices de se rendre aux mêmes lieux que les personnes valides, aux mêmes heures et (presque) par le même mode de déplacement » (source : Yanous, dossier consultable ici). Peu de temps après, le Gouvernement, jugeant le délai trop irréaliste, modifia sa décision et le repoussa à dix ans. Mais certaines villes doivent maintenant revoir leurs espaces publics, leurs commerces et leurs moyens de transports. En 2015, donc, nous devrions tous, valides et invalides, pouvoir circuler où bon nous semblera.

Mais avant ?

Dix ans... il faut être patient, et savoir s’organiser. Beaucoup d’initiatives humaines nous montent la solidarité qui a su se créer, une entraide. Quand un obstacle se dresse devant nous, il est plus facile de le contrer à plusieurs. Une association du nom de Mobile-en-Ville (vous pouvez visiter leur site ici) œuvre depuis décembre1997 à trouver dans la ville les endroits accessibles aux roues, qu’elles soient de fauteuil, de poussettes, de rollers ou de trottinettes. Depuis l’établissement d’une cartographie détaillée des accès aux trottoirs de Paris, puis récemment de ses revêtements, l’association a passé au crible Rambouillet , Maisons-Alfort, Versailles, Courbevoie, Toul, le quartier d’affaires de La Défense (Hauts De Seine), Compiègne, Limoges, Le Pecq, pour en découvrir les endroits accessibles. Chaque projet de cartographie a donné lieu à des guides ou des cartes, mis à disposition par les Maires et sur le site de Mobile-en-Ville. Petit à petit, des projets de cartographies se sont ouverts dans d’autres grandes villes telles que Strasbourg, ou Marseille, considérée comme une des villes les moins accessibles de France. Dans tous les cas, si le projet est beau, il n’en reste pas moins difficile à accomplir : les équipes sont toutes composées de bénévoles qui se battent pour obtenir un accord légal de la mairie et les fonds de plans pour pouvoir travailler. Le relevé se fait souvent en groupe, en suivant une légende définie qu’il faut apprendre à maîtriser. Les commerçants peuvent avoir un regard suspicieux, qui disparaît vite avec les paroles encourageantes des passants. Cela peut être long par manque d’effectifs, ou très rapide, comme la première cartographie qui s’est déroulée pendant le Téléthon 97, deux jours pour mesurer tous les trottoirs de Paris. Mais le jeu en vaut la chandelle, et chaque participant est heureux de contribuer à lever, petit à petit, une barrière qui, il y a quelques années, était bien trop lourde. Aujourd’hui, chacun peut donner un peu de sa force, un peu de son temps. Espérons qu’en 2015, chaque carte réalisée arrivera à couvrir entièrement celle des grandes villes nationales.

Zoom sur une cartographie

En détail, qu’est-ce que réaliser une cartographie ? Techniquement, il faut un outil totalement artisanal, constitué d’un bâton dont une des extrémités est graduée de 0 à 8 cm, colorée en vert de 0 à 2 cm, en bleu de 2 à 4 cm, en rouge de 4 à 6 cm et en noir de 6 à 8 cm (sur le principe du code couleur des pistes de ski), et à l’autre extrémité se trouve une cordelette de 80 cm (largeur minimale possible pour le passage d’un fauteuil roulant) attaché à un stylo quatre couleurs, indispensable pour noter les relevés. Il faut ensuite obtenir les plans ou fonds de plan des quartiers à cartographier. La demande peut être faite à la Mairie, à la voirie, ou à un service officiel qui doit donner son accord pour l’utilisation. Pour travailler sur papier, on peut agrandir un plan de la ville, mais pour reporter le résultat final, il faut également une version informatique. Muni des outils nommés ci-dessus, il faut mesurer chaque rabaissement de trottoir, chaque largeur de passage, noter les obstacles, les zones inaccessibles... Après le relevé, il faut mettre au propre le travail effectué sous forme d’un fichier informatique qui, ainsi sauvegardé, pourra être utilisé pour l’édition d’un guide ou d’un plan. Vous pouvez voir l’exemple de la carte réalisée à Paris.